Événementiel sportif et digitalisation : une transformation au service de l’expérience live

● Des places ultra-connectées en bord de terrain pour les fans des Wasps
● Au Super Bowl, une fan expérience immersive et globale dans les tribunes
● Donner une permanence à l’événement grâce aux collections NFT
● Australian Open : quand le métaverse s’invite dans le monde réel

La digitalisation des événements sportifs bouleverse l’expérience live et les activations sponsoring. Une opportunité plutôt qu’une importunité… à l’origine des initiatives les plus audacieuses. Décryptage.

“Le métaverse va bouleverser et changer le monde.” Des mots forts, concis, résolument affirmatifs… et prophétiques. Lorsque Laurent Solly, vice-président Southern Europe de Meta, explique le changement de nom de Facebook il y a quelques mois, il n’y va pas par quatre chemins : le monde moderne est à l’aube d’une profonde “révolution technologique”. Un “nouveau chapitre de l’Internet” dans lequel s’entrelacent le virtuel et le réel… au détriment du second ?

Si ce bouleversement est une réalité, loin de la chimère de science-fiction ; si les interrogations semblent autant compréhensibles que légitimes… pourquoi craindre entre ces deux univers l’affrontement plutôt qu’imaginer un mariage fertile ? Dans l’événementiel sportif, archétype du spectacle vivant jamais déterminé, toujours réinventé, la révolution technologique semble, au contraire, porteuse de renouvellements prometteurs au service du réel.

Il faut dire que le sport est un spectacle bien particulier… Comme le rappellent Franck Pons et André Richelieu dans un article sur le marketing stratégique du sport, “l’orientation [d’un individu] envers un événement sportif repose sur la satisfaction d’un besoin émotionnel (excitation, joie), d’un besoin de communion (échange, socialisation) et d’un besoin de connaissance dans le sport suivi”. De quoi se nourrissent ces besoins ? De la folie d’un essai à la dernière minute, des tribunes bouillonnantes de stades mythiques… Mais également du poids de l’histoire de courses légendaires, entre l’indicible ébullition d’une arrivée à l’Alpe d’Huez et la terrible ascension d’un mont Ventoux. Du “j’y étais !”, jeté au détour d’une conversation, qui alimente des souvenirs uniques.

L’EXPÉRIENCE DIGITAL COMME CANAL MARKETING 

Qu’y change la technologie ? Qu’apporte-t-elle ? De nouvelles perspectives. Pour le spectacle sportif d’une part ; et pour l’ensemble de la sphère micro-événementielle qui en découle et contribue à la fan expérience, d’autre part, jusqu’aux activations sponsoring. C’est, par exemple, ce fan des Wasps qui, en se rendant au stade, découvre que son billet lui donne accès à une place bien particulière… Un siège VIP chauffant offert par Vodafone, partenaire majeur du club, équipé d’un Samsung Galaxy Note 10+ 5G, ainsi que d’écrans haute définition pour ne rien rater de la rencontre. Ni de l’avant-match, avec des caméras 360° offrant des points de vue exclusifs de ce que le fan de rugby en tribune ne peut voir ! Après avoir commandé des boissons avec le smartphone fourni, le fan a pu assister au match… et documenter son expérience exceptionnelle sur les réseaux.

Les images et le confort dans l’effervescence du live. Ou la parfaite illustration de ce qu’explique John Rhodes, directeur sports et entertainment chez HOK : “Il ne s’agit pas de privilégier les fans virtuels par rapport à ceux qui se rendent au stade. Mais plutôt de se servir de l’expérience digitale comme d’un canal marketing pour convaincre les téléspectateurs de quitter leur canapé. Il faut exploiter cette opportunité pour leur offrir une expérience unique qu’ils ne pourraient pas avoir chez eux.”

EN AMONT : LA DIGITALISATION FACILITE L’ACCÈS AU SPECTACLE SPORTIF

Une expérience qui débute dès l’achat du billet et perdure bien après l’événement. Le billet dématérialisé est aujourd’hui une quasi-nécessité, mais de nombreuses alternatives ont été imaginées depuis dix ans. Dès 2011, le Tampa Bay Lightning, franchise majeure de NHL, proposait ses maillots pucés réservés aux abonnés. Il suffisait à ces derniers de les revêtir les jours de match pour être invités à entrer sans billet, ni carte. Le maillot permettait, en outre, de profiter de réductions importantes aux différents espaces de restauration comme en boutique. Résultat ? Un nombre d’abonnés en hausse… et un stade tout de bleu vêtu ! Un moyen de plus pour convaincre le fan de quitter son canapé, doublé d’un effet théâtral garanti participant à l’atmosphère spéciale du matchday.

PENDANT : LES NOUVEAUX TERRITOIRES DES EVENEMENTS ET DES ACTIVATIONS

Dans le parcours du fan, la digitalisation facilite donc l’”avant”. Mais elle contribue aussi au “pendant”, bien entendu, à la valorisation du spectacle lui-même et à l’expérience live. C’est une évidence qui ne peut se démentir, quelle que soit l’échelle. Cela va du QR code collé à l’arrière du traditionnel siège coque en plastique, qui permet de télécharger le programme du match et de commander ses boissons jusque dans les plus petits stades. Au gigantisme de l’écran 4K 360° du SoFi Stadium, enceinte du dernier Super Bowl, long de 110 m et couvrant 6500 m², qui offre en direct au spectateur les images, infographies et statistiques généralement réservées au téléspectateur.

La digitalisation au service de la fan expérience, c’est d’ailleurs le stade connecté qui l’incarne le mieux. “Les smart stadiums promettent aux fans une expérience digitale, du ticket connecté aux offres personnalisées en cours de match : c’est ce qu’attendent les fans et d’autant plus les jeunes générations”, confirme Ignacio Carnero, Chief Revenue Officer de LaLigaTech, la branche nouvelles technologies de la ligue de football espagnole. “Ils veulent une expérience plus enrichissante et excitante que celle qu’ils peuvent avoir à la maison. Avec le smart stadium, si un spectateur veut revoir un but, par exemple, il n’aura qu’à pointer son smartphone vers la cage pour en obtenir le replay. S’il veut voir une séquence avec un angle différent, il bénéficiera d’un grand choix de points de vue directement sur une application.”

Mais la fan expérience ne se limite pas aux tribunes. C’est l’environnement même du spectacle sportif qui se digitalise. Avec autant de nouveaux terrains à explorer pour l’activation sponsoring ! Un exemple ? Le Top 14 Rugby Tour qu’organise chaque année la Ligue Nationale de Rugby pour promouvoir le Top 14 dans tous les territoires. Le principe : un village 100% rugby aménagé au cœur de la ville durant deux jours avec différents stands partenaires, la présence de joueurs professionnels, la présentation du Bouclier de Brennus, la diffusion des matchs en live… et un mini-terrain pour s’initier ! Pour aller plus loin et engager le public, Ideactif a mis en place un parcours digital dans le village avec des QR codes à scanner sur chaque animation partenaire. Avec, au bout du parcours, des dotations bien réelles !

APRES : AMPLIFIER LA RÉSONANCE DE L’EVENEMENT GRÂCE AU DIGITAL

Enfin, le digital fait perdurer l’événement, lui donnant une dimension renouvelable, quasi-permanente. Car, comme le rappelle Masayuki Yoshida, Docteur en management du sport, l’expérience du fan recoupe l’ensemble de ses “réactions cognitives, affectives, sociales et physiques […] à des points de contact directs (achat et consommation) et des points de contact indirects (médias et réseaux sociaux) avec une organisation sportive, ses produits ou d’autres consommateurs”. Ces points de contact indirects, ce sont notamment les nombreuses images partagées par d’autres fans et les diffuseurs. Et ce qui permet de nourrir l’envie et la passion au quotidien, dans l’attente ou le souvenir de l’événement.

Raison pour laquelle les Cleveland Cavaliers proposent désormais des collections digitales à leurs fans, meublant l’attente et animant le matchday… Ces derniers, en se rendant au stade, gagnent des NFT spécifiques, qu’ils peuvent stocker dans un coffre-fort virtuel. Lors du match gagné contre les Pacers, il y a quelques semaines, les fans qui étaient physiquement présents au stade ont pu repartir avec un maillot virtuel et d’autres NFT à exposer dans leur coffre-fort.

Non seulement cela incite toutes les générations à se déplacer à la Rocket Mortgage FieldHouse en reprenant une tradition séculaire – la collection. Mais cela donne en plus corps au témoignage : le fan était présent ce jour-là ; son souvenir est rare. Et s’il décide, demain, de le donner, le vendre ou l’échanger, il participera à la permanence de l’événement. Ainsi qu’à l’expansion de la popularité des Cavs bien au-delà de leur zone de chalandise. Pour Tom Mizzone, CEO de Sweet, la plateforme de NFT partenaire, “c’est un programme remarquablement accessible”. “Le fan n’a besoin que de son smartphone pour commencer à collectionner ses souvenirs digitaux et compléter son expérience immersive. C’est un bel exemple de la façon dont les équipes peuvent utiliser le digital pour permettre à leurs fans de témoigner de leur passion pour leur franchise préférée.”

QUAND LES SOUVENIRS NUMÉRIQUES S’INVITENT DANS LE MONDE RÉEL…

C’est aussi ce qu’il faut retenir : le digital doit permettre de toucher bien plus que les 20 000 personnes de la Rocket Mortgage FieldHouse. Et imprimer un double mouvement : l’intégration de l’audience live à l’expérience digitale et de l’audience digitale à l’expérience live. Tennis Australia l’a bien compris ; et l’Australian Open, premier tournoi du Grand Chelem de l’année, est devenu en janvier un précurseur en recréant une partie de son site, Melbourne Park, sur une parcelle de la plateforme Decentraland, dans le métaverse. Les fans, équipés de leur casque VR, pouvaient s’y balader, y découvrir des contenus exclusifs, des images des coulisses, interagir avec des joueurs ou d’autres visiteurs… Mieux, il était possible d’acquérir une portion de 19 cm par 19 cm de chacun des 23 courts sous forme de NFT. Non seulement ce NFT correspondait à une balle virtuelle au design unique, mais si le dernier rebond d’une balle de match se faisait sur votre parcelle, vous remportiez des dotations supplémentaires. Pour les 11 finales que propose le tournoi, du simple Messieurs au double Juniors, l’ultime rebond de la balle de match a même permis au propriétaire de la parcelle de gagner la balle en question, garantie par un certificat d’authenticité.

Une réussite incroyable, puisque, selon Ridley Plummer, responsable du projet pour Tennis Australia, l’intégralité des 6776 balles virtuelles s’est vendue… en trois minutes. Le prix plancher ? Environ 600 euros. Pour plus de 650 000€ de ventes au total. “Nous aimons cette idée de transformer une propriété intellectuelle en souvenirs numériques et de lier ces souvenirs à une expérience concrète”, détaille Tom Mizzone, dont la plateforme avait, là encore, été sollicitée pour commercialiser ces NFT. C’est effectivement la force d’une telle activation : le digital permet la création d’un univers parallèle qui abolit les limites physiques de l’événement, engage les fans un peu partout dans le monde, les incite à suivre le tournoi… tout en aboutissant au plus concret des résultats : la transformation d’un objet banal en un objet exceptionnel, que le joueur lui-même, par son ultime coup de raquette, offre physiquement au fan. “Nous nous considérons comme un événement de divertissement plutôt qu’un simple tournoi de tennis”, affirme Ridley Plummer. Avec, derrière, le projet de “proposer du divertissement dans le métaverse durant les 12 mois de l’année” !

En plus d’abolir les limites géographiques, le digital doit permettre d’abolir les limites temporelles, toujours problématiques pour un événement ayant lieu le temps d’une soirée, de quelques jours ou de quelques semaines. Alors… Faut-il craindre que le virtuel dévore peu à peu l’expérience live ? Que les activations en marge des événements soient dématérialisées… ou ne soient plus ? Non, décidément. Le digital est surtout une saveur de plus au goût du réel et des émotions live dont le fan se nourrit. Et c’est peut-être la raison pour laquelle les plus digitalisés des événements, les compétitions d’esport, font salles combles, proposant aux milliers de personnes rassemblées dans de gigantesques enceintes sportives leurs propres activations sponsoring innovantes !